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Les Préjudices Indemnisables et la Classification Dintilhac


En matière de réparation du préjudice corporel, il existe un principe fondamental : le principe de la réparation intégrale du préjudice de la victime.

Il s'agit de rétablir l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle était avant l’accident.

Le but affirmé est de s’attacher à la situation particulière de chaque victime et d’exclure toute indemnisation forfaitaire, préjudiciable aux victimes.

La loi de financement de la Sécurité Sociale du 21 décembre 2006 impose désormais une évaluation poste par poste des préjudices favorisant la prise en charge des postes de préjudices distinctement.

Proposée par un groupe de travail dirigée par Jean-Pierre Dintilhac, la nomenclature Dintilhac fournit un cadre pour évaluer les préjudices des victimes.

Chaque poste de préjudice répond à une définition précise et nécessite une indemnisation spécifique qui doit être calculée suivant la jurisprudence la plus favorable.

Cette nomenclature des préjudices, bien que complète, n’est pas exhaustive et d’autres préjudices peuvent être indemnisés s’ils sont justifiés.

Elle a toutefois pour mérite d’établir un listing des préjudices servant de base pour l’évaluation et la réparation des dommages corporels.

En effet, évaluer équitablement les préjudices subis par une victime est complexe si les différents acteurs (médecins d’assurance, experts judiciaires, avocats, juges) n'utilisent pas le même langage ni les mêmes outils.

La nomenclature Dintilhac permet de centraliser les postes recensés en distinguant les victimes directes et indirectes (proches d'une victime accidentée ou décédée) et sépare les préjudices temporaires (avant consolidation) des préjudices définitifs et permanents (après consolidation).

Préjudices des Victimes Directes

Préjudices Patrimoniaux de la Victime Directe

Ils indemnisent les préjudices financiers, ceux qui ont un caractère économique.

Il s’agit aussi bien des pertes (de salaires) subies par la victime que de gains manqués par cette dernière.

Ces préjudices peuvent être temporaires ou définitifs (permanents).

Les préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) 

Dépenses de santé actuelles
Il s’agit d’indemniser la victime directe du dommage corporel de l’ensemble des frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux et pharmaceutiques (infirmiers, kinésithérapie, orthoptie, orthophonie, etc), le paiement de la plupart de ces dépenses étant habituellement pris en charge par les organismes sociaux.

Cependant, il est fréquent qu’à côté de la part payée par l’organisme social, un reliquat demeure à la charge de la victime, ce qui nécessite, afin de déterminer le coût exact de ses dépenses, de les additionner pour en établir le coût réel.

Ces dépenses sont toutes réalisées durant la phase temporaire d’évolution de la pathologie traumatique, c’est à dire qu’elles ne pourront être évaluées qu’au jour de la consolidation ou de la guérison de la victime directe.
Frais divers
Il s’agit ici de prendre en compte tous les frais susceptibles d’être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures. Ce poste de préjudice est donc par nature temporaire.

Il concerne notamment les honoraires que la victime a été contrainte de débourser auprès de médecins (spécialistes ou non) pour se faire conseiller et assister à l’occasion de l’expertise médicale la concernant.

Il convient également d’inclure, au titre des frais divers, les frais de transport survenus durant la maladie traumatique, dont le coût et le surcoût sont imputables à l’accident.

Enfin, il faut retenir les dépenses destinées à compenser des activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique (frais de garde des enfants, soins ménagers, assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante, frais d’adaptation temporaire d’un véhicule ou d’un logement, etc.).

En outre, on y inclut les frais temporaires ou ponctuels exceptionnels (notamment les frais exposés par les artisans ou les commerçants lorsqu’ils sont contraints de recourir à du personnel de remplacement durant la période de convalescence où ils sont immobilisés sans pouvoir diriger leur affaire).

La liste de ces frais divers n’est pas exhaustive et il convient d’y ajouter tous les frais temporaires, dont la preuve et le montant sont établis, dès lors qu’ils sont imputables à l’accident à l’origine du dommage corporel subi par la victime.
Pertes de gains professionnels actuels
Sous le vocable d’incapacité temporaire de travail (I.T.T), la pratique juridique regroupait à la fois l’incapacité professionnelle économique subie par la victime directe et son incapacité fonctionnelle non économique et personnelle subie durant la maladie traumatique.

Cette confusion juridique, déjà soulignée par les rapports antérieurs, doit aujourd’hui – dans un souci de sécurité juridique – cesser, car elle est source d’injustice dans l’indemnisation des victimes.

Certaines juridictions indemnisent le préjudice exclusivement économique de la victime, alors que d’autres indemnisent, à ce titre, la globalité de son préjudice tant dans sa dimension patrimoniale qu’extrapatrimoniale.

Le groupe de travail propose en conséquence de cantonner les pertes de gains liées à l’incapacité provisoire de travail à la réparation exclusive du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l’accident, c'est-à-dire aux pertes actuelles de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage.

Il s’agit là de compenser une invalidité temporaire spécifique qui concerne uniquement les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime jusqu’à sa consolidation.

Bien sûr, ces pertes de gains peuvent être totales, c’est à dire priver la victime de la totalité des revenus qu’elle aurait normalement perçus pendant la maladie traumatique en l’absence de survenance du dommage, ou être partielles, c’est à dire la priver d’une partie de ses revenus sur cette période.

L’évaluation judiciaire ou amiable de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d’une perte de revenus établie par la victime jusqu’au jour de sa consolidation.


Les préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) 

Dépenses de santé futures
Les dépenses de santé futures sont les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation.

Ils sont postérieurs à la consolidation de la victime, dès lors qu’ils sont médicalement prévisibles, répétitifs et rendus nécessaires par l’état pathologique permanent et chronique de la victime après sa consolidation définitive (frais liés à des hospitalisations périodiques dans un établissement de santé, à un suivi médical assorti d’analyses, à des examens et des actes périodiques, des soins infirmiers, ou autres frais occasionnels, etc.).

Ces frais futurs ne se limitent pas aux frais médicaux au sens strict : ils incluent, en outre, les frais liés soit à l’installation de prothèses pour les membres, les dents, les oreilles ou les yeux, soit à la pose d’appareillages spécifiques qui sont nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique permanent qui demeure après la consolidation.
Frais de logement adapté
Ces dépenses concernent les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d’un habitat en adéquation avec ce handicap.

Ce poste d’indemnisation concerne le remboursement des frais que doit exposer la victime à la suite de sa consolidation, dans la mesure où les frais d’adaptation du logement exposés, à titre temporaire, sont déjà susceptibles d’être indemnisés au titre du poste de préjudice “Frais divers”.

Cette indemnisation intervient sur la base de factures, de devis ou même des conclusions du rapport de l’expert sur la consistance et le montant des travaux nécessaires à la victime pour vivre dans son logement.

Ces frais doivent être engagés pendant la maladie traumatique afin de permettre à la victime handicapée de pouvoir immédiatement retourner vivre à son domicile dès sa consolidation acquise.

Ce poste de préjudice inclut non seulement l’aménagement du domicile préexistant, mais éventuellement celui découlant de l’acquisition d’un domicile mieux adapté prenant en compte le surcoût financier engendré par cette acquisition.

En outre, il est possible d’inclure au titre de l’indemnisation de ce poste de préjudice les frais de déménagement et d’emménagement, ainsi que ceux liés à un surcoût de loyer pour un logement plus grand découlant des difficultés de mobilité de la victime devenue handicapée.

Enfin, ce poste intègre également les frais de structure nécessaires pour que la victime handicapée puisse disposer d’un autre lieu de vie extérieur à son logement habituel de type foyer ou maison médicalisée.
Frais de véhicule adapté
Ce poste comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l’adaptation d’un ou de plusieurs véhicules aux besoins de la victime atteinte d’un handicap permanent. Il convient d’inclure dans ce poste de préjudice le ou les surcoût(s) lié(s) au renouvellement du véhicule et à son entretien.

En revanche, les frais liés à l’adaptation, à titre temporaire, du véhicule avant la consolidation de la victime ne sont pas à intégrer, car ils sont provisoires et déjà susceptibles d’être indemnisés au titre du poste “Frais divers”.

En outre, ce poste doit inclure non seulement les dépenses liées à l’adaptation d’un véhicule, mais aussi le surcoût d’achat d’un véhicule susceptible d’être adapté.

Enfin, il est également possible d’assimiler à ces frais d’adaptation du véhicule les surcoûts en frais de transport rendus nécessaires à la victime en raison de ses difficultés d’accessibilité aux transports en commun survenues depuis le dommage.
Assistance par tierce personne
Ces dépenses sont liées à l’assistance permanente d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne.

Elles visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie.

Elles constituent des dépenses permanentes qui ne se confondent pas avec les frais temporaires que la victime peut être amenée à débourser durant la maladie traumatique, lesquels sont déjà susceptibles d’être indemnisés au titre du poste “Frais divers”.
Pertes de gains professionnels futurs
Il s’agit ici d’indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage.

Il s’agit d’indemniser une invalidité spécifique partielle ou totale qui entraîne une perte ou une diminution directe de ses revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation.

Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l’obligation pour celle-ci d’exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n’englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.

En outre, concernant les jeunes victimes ne percevant pas à la date du dommage de gains professionnels, il conviendra de prendre en compte pour l’avenir la privation de ressources professionnelles engendrée par le dommage en se référant à une indemnisation par estimation.

De ce poste de préjudice, devront être déduites, les prestations servies à la victime par les organismes de sécurité sociale (pensions d’invalidité et rentes accidents du travail), les mutuelles, les institutions de prévoyance et les assureurs (prestations longue durée d’invalidité et d’accidents du travail), de même que par les employeurs publics (allocations temporaires d’invalidité, pensions et rentes viagères d’invalidité), qui tendent à indemniser, le plus souvent de manière forfaitaire, partant de manière partielle, l’incapacité invalidante permanente subie par la victime afin d'éviter soit que celle-ci ne bénéficie d’une double indemnisation de son préjudice sur ce point, soit que le recours exercé par l’organisme tiers payeur ne réduise les sommes dues à la victime.

Ainsi, afin d’éviter une double indemnisation de la victime entre ce poste “’Perte de gains professionnels futurs” et une rente, notamment comme cela est le cas en matière de victime d’accident du travail, le groupe de travail recommande que les tiers payeurs soient désormais contraints de présenter à l’organe d’indemnisation un état de leur créance relative à la rente versée à la victime qui contienne une ventilation entre la part de cette créance destinée à indemniser la partie patrimoniale du préjudice corporel et celle visant à en indemniser la partie extrapatrimoniale.

A défaut, si le tiers payeur n’effectue aucune diligence pour procéder à cette « clé » de répartition, le groupe recommande que l’organe d’indemnisation pose une présomption réfragable de partage à égalité entre les parts patrimoniale et extrapatrimoniale du préjudice corporel ainsi indemnisé par l’intermédiaire du versement de la rente.
Incidence professionnelle
Ce poste d’indemnisation vient compléter celle déjà obtenue par la victime au titre du poste “pertes de gains professionnels futurs” susmentionné sans pour autant aboutir à une double indemnisation du même préjudice.
Cette incidence professionnelle à caractère définitif a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

Il convient, en outre, de ranger dans ce poste de préjudice les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste assumés par la sécurité sociale et / ou par la victime elle-même qui sont souvent oubliés, alors qu’ils concernent des sommes importantes. Il s’agit des frais déboursés par l’organisme social et/ou par la victime elle-même immédiatement après que la consolidation de la victime soit acquise afin qu’elle puisse retrouver une activité professionnelle adaptée une fois sa consolidation achevée : elle peut prendre la forme d’un stage de reconversion ou d’une formation.

Là encore le pragmatisme doit conduire à ne pas retenir une liste limitative de ses frais spécifiques, mais à l’inverse à inclure dans ce poste de préjudice patrimonial tous les frais imputables au dommage nécessaires à un retour de la victime dans la sphère professionnelle.

Ce poste de préjudice cherche également à indemniser la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c’est à dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l’accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

Comme pour l’indemnisation du poste précédent, il convient de noter que si les pertes de gains professionnels peuvent être évaluées pour des victimes en cours d’activité professionnelle, elles ne peuvent cependant qu’être estimées pour les enfants ou les adolescents qui ne sont pas encore entrés dans la vie active.

Une fois encore, la liste des préjudices à intégrer dans ce poste est indicative. Ainsi, il peut, par exemple, être prévu une indemnisation, au titre de ce poste, de la mère de famille sans emploi pour la perte de la possibilité, dont elle jouissait avant l’accident, de revenir sur le marché du travail.
Préjudice scolaire/universitaire
Ce poste de préjudice à caractère patrimonial a pour objet de réparer la perte d’année(s) d’étude que ce soit scolaire, universitaire, de formation ou autre consécutive à la survenance du dommage subi par la victime directe.

Ce poste intègre, en outre, non seulement le retard scolaire ou de formation subi, mais aussi une possible modification d’orientation, voire une renonciation à toute formation qui obère ainsi gravement l’intégration de cette victime dans le monde du travail.



Préjudices Extra-Patrimoniaux de la Victime Directe

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) 

Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice cherche à indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire jusqu’à sa consolidation.

Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime, laquelle est d’ailleurs déjà réparée au titre du poste “Pertes de gains professionnels actuels”.

A l’inverse, elle va traduire l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à sa consolidation.
Elle correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime, mais aussi à la “perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante” que rencontre la victime pendant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique, etc.).
Souffrances endurées
Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation.

A compter de la consolidation, les souffrances endurées relèveront du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.
Préjudice esthétique temporaire
Il a été observé que, durant la maladie traumatique, la victime subissait bien souvent des atteintes physiques, voire une altération de son apparence physique, certes temporaire, mais aux conséquences personnelles très préjudiciables, liée à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers.

Or ce type de préjudice est souvent pris en compte au stade des préjudices extra-patrimoniaux permanents, mais curieusement omis de toute indemnisation au titre de la maladie traumatique où il est pourtant présent, notamment chez les grands brûlés ou les traumatisés de la face.

Aussi, le groupe de travail a décidé d’admettre, à titre de poste distinct, ce chef de préjudice réparant le préjudice esthétique temporaire.


Préjudices extrapatrimoniaux permanents (après consolidation) 

Déficit fonctionnel permanent
Ce poste de préjudice cherche à indemniser un préjudice extra-patrimonial découlant d’une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime.

Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime. Il convient d’indemniser, à ce titre, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation.

Ce poste peut être défini, selon la Commission européenne à la suite des travaux de Trèves de juin 2000, comme correspondant à “la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours”.

En outre, ce poste de préjudice doit réparer la perte d’autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières, ainsi que tous les déficits fonctionnels spécifiques qui demeurent même après la consolidation.
En raison de son caractère général, ce déficit fonctionnel permanent ne se confond pas avec le préjudice d’agrément, lequel a, pour sa part, un objet spécifique en ce qu’il porte sur la privation d’une activité déterminée de loisirs.

Afin d’éviter une double indemnisation de la victime entre ce poste “déficit fonctionnel permanent” et une rente, notamment comme cela est le cas en matière de victime d’accident du travail, le groupe de travail recommande que les tiers payeurs soient désormais contraints de présenter à l’organe d’indemnisation un état de leur créance relative à la rente versée à la victime qui contienne une ventilation entre la part de cette créance destinée à indemniser la partie patrimoniale du préjudice corporel et celle visant à en indemniser la partie extra-patrimoniale.

A défaut, si le tiers payeur n’effectue aucune diligence pour procéder à cette « clé » de répartition, le groupe recommande que l’organe d’indemnisation pose une présomption réfragable de partage à égalité entre les parts patrimoniale et extra-patrimoniale du préjudice corporel ainsi indemnisé par l’intermédiaire du versement de la rente.
Préjudice d’agrément
Ce poste de préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice d’agrément spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.

Ce poste de préjudice doit être apprécié in concreto en tenant compte de tous les paramètres individuels de la victime (âge, niveau, etc.).
Préjudice esthétique permanent
Ce poste cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique de la victime notamment comme le fait de devoir se présenter avec une cicatrice permanente sur le visage.
Ce préjudice a un caractère strictement personnel et il est en principe évalué par les experts selon une échelle de 1 à 7 (de très léger à très important).
Préjudice sexuel
Ce poste concerne la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle. Il convient de distinguer trois types de préjudice de nature sexuelle :

Le préjudice morphologique qui est lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi ;

Le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) ;

Le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc.).

Là encore, ce préjudice doit être apprécié in concreto en prenant en considération les paramètres personnels de chaque victime.
Préjudice d’établissement
Ce poste de préjudice cherche à indemniser la perte d’espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale “normale” en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteint la victime après sa consolidation : il s’agit de la perte d’une chance de se marier, de fonder une famille, d’élever des enfants et plus généralement des bouleversements dans les projets de vie de la victime qui l’obligent à effectuer certaines renonciations sur le plan familial.

Il convient ici de le définir par référence à la définition retenue par le Conseil national de l’aide aux victimes comme la “perte d’espoir et de chance de normalement réaliser un projet de vie familiale (se marier, fonder une famille, élever des enfants, etc.) en raison de la gravité du handicap”.

Ce type de préjudice doit être apprécié in concreto pour chaque individu en tenant compte notamment de son âge.
Préjudices permanents exceptionnels
Lors de ses travaux, le groupe de travail a pu constater combien, il était nécessaire de ne pas retenir une nomenclature trop rigide de la liste des postes de préjudice corporel.

Ainsi, il existe des préjudices atypiques qui sont directement liés aux handicaps permanents, dont reste atteint la victime après sa consolidation et dont elle peut légitimement souhaiter obtenir une réparation.

A cette fin, dans un souci de pragmatisme – qui a animé le groupe de travail durant ses travaux -, il semble important de prévoir un poste “préjudices permanents exceptionnels” qui permettra, le cas échéant, d’indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extra patrimonial permanent particulier non indemnisable par un autre biais.

Ainsi, il existe des préjudices extra-patrimoniaux permanents qui prennent une résonance toute particulière soit en raison de la nature des victimes, soit en raison des circonstances ou de la nature de l’accident à l’origine du dommage.


Préjudices extrapatrimoniaux évolutifs

Préjudices liés à des pathologies évolutives
Il s’agit d’un poste de préjudice relativement récent qui concerne toutes les pathologies évolutives.

Il s’agit notamment de maladies incurables susceptibles d’évoluer et dont le risque d’évolution constitue en lui-même un chef de préjudice distinct qui doit être indemnisé en tant que tel.

C’est un chef de préjudice qui existe en dehors de toute consolidation des blessures, puisqu’il se présente pendant et après la maladie traumatique.

Tel est la cas du préjudice lié à la contamination d’une personne par le virus de l’hépatite C, celui du V.I.H., la maladie de Creutzfeldt-Jakob ou l’amiante, etc.

Il s’agit ici d’indemniser “le préjudice résultant pour une victime de la connaissance de sa contamination par un agent exogène, quelle que soit sa nature (biologique, physique ou chimique), qui comporte le risque d’apparition à plus ou moins brève échéance, d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital”.

Bien évidemment, la liste de ce type de préjudice est susceptible de s’allonger dans l’avenir au regard des progrès de la médecine qui mettent de plus en plus en évidence ce type de pathologie virale ou autre jusque-là inexistante ou non détectée.



Préjudices des Victimes Indirectes 

Préjudices des victimes indirectes en cas de décès de la victime directe

Préjudices patrimoniaux

Frais d’obsèques
Ce poste de préjudice concerne les frais d’obsèques et de sépulture que vont devoir assumer les proches de la victime directe à la suite de son décès consécutif à la survenance du dommage.

Ces frais font l’objet d’une évaluation concrète fondée sur une facture établie en bonne et due forme.
Perte de revenus des proches
Le décès de la victime directe va engendrer des pertes ou des diminutions de revenus pour son conjoint (ou son concubin) et ses enfants à charge, c'est-à-dire pour l’ensemble de la famille proche du défunt. Ces pertes ou diminutions de revenus s’entendent de ce qui est exclusivement liée au décès et non des pertes de revenus des proches conséquences indirectes du décès.

Pour déterminer la perte ou la diminution de revenus affectant ses proches, il y a lieu de prendre comme élément de référence, le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe en tenant compte de la part d’autoconsommation de celle-ci et du salaire qui continue à être perçu par son conjoint (ou concubin) survivant.

En outre, il convient de réparer, au titre de ce poste, la perte ou la diminution de revenus subie par les proches de la victime directe, lorsqu’ils sont obligés d’assurer jusqu’au décès de celle-ci une présence constante et d’abandonner temporairement leur emploi.

En tout état de cause, la réparation de ce chef de préjudice ne saurait conduire le proche de la victime directe à bénéficier d’une double indemnisation à la fois au titre de l’indemnisation de ce poste et de celle qu’il pourrait également percevoir au titre de l’assistance par une tierce personne, s’il décidait de remplir cette fonction auprès de la victime. Dans ce cas, il conviendra de déduire cette dernière indemnité de celle à laquelle il pourra prétendre au titre de l’indemnisation du présent poste.
Frais divers des proches
Ce poste de préjudice vise à indemniser les proches de la victime directe des frais divers que ceux-ci ont pu engager à l’occasion de son décès ; ce sont principalement des frais de transports, d’hébergement et de restauration.

Préjudices extra-patrimoniaux

Préjudices d’accompagnement de fin de vie
Il s’agit ici de réparer un préjudice moral, dont sont victimes les proches de la victime directe pendant la maladie traumatique de celle-ci jusqu’à son décès.

Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser les bouleversements que le décès de la victime directe entraîne sur le mode de vie de ses proches au quotidien.

Le préjudice d’accompagnement traduit les troubles dans les conditions d’existence d’un proche, qui partageait habituellement une communauté de vie effective avec la personne décédée à la suite du dommage.
Préjudice d’affection
Il s’agit d’un poste de préjudice qui répare le préjudice d’affection que subissent certains proches à la suite du décès de la victime directe. Il convient d’inclure, à ce titre, le retentissement pathologique avéré que le décès a pu entraîner chez certains proches.

En pratique, il y a lieu d’indemniser quasi-automatiquement les préjudices d’affection des parents les plus proches de la victime directe (père et mère, etc.). Cependant, il convient également d’indemniser, à ce titre, des personnes dépourvues de lien de parenté, dès lors qu’elles établissent par tout moyen avoir entretenu un lien affectif réel avec le défunt.



Préjudices des victimes indirectes en cas de survie de la victime directe 

Préjudices patrimoniaux

Perte de revenus des proches
Le handicap dont reste atteint la victime directe à la suite du dommage corporel, va engendrer une perte ou une diminution de revenus pour son conjoint (ou son concubin) et ses enfants à charge.

Dans ce cas, il y a lieu de prendre comme élément de référence, le préjudice annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné son handicap en tenant compte de la part d’autoconsommation de la victime directe et du salaire qui continue à être perçu par son conjoint (ou son concubin).

En outre, il convient de réparer au titre de ce poste, la perte ou la diminution de revenus subie par les proches de la victime directe lorsqu’ils sont obligés, pour assurer une présence constante auprès de la victime handicapée d’abandonner temporairement, voire définitivement, leur emploi.

En tout état de cause, la réparation de ce chef de préjudice ne saurait conduire le proche de la victime directe à bénéficier d’une double indemnisation à la fois au titre de l’indemnisation de ce poste et de celle qu’il pourrait également percevoir au titre de l’assistance par une tierce personne, s’il décidait de remplir cette fonction auprès de la victime. Dans ce cas, il conviendra de déduire cette dernière indemnité de celle à laquelle il pourra prétendre au titre de l’indemnisation du présent poste.
Frais divers des proches
Ce poste de préjudice vise à indemniser les proches de la victime directe des frais divers que ceux-ci ont pu engager pendant ou après la maladie traumatique de la victime survivante atteinte d’un handicap, ce sont principalement des frais de transports, d’hébergement et de restauration.

Ces frais peuvent être conséquents dans le domaine des transports, notamment si la victime directe séjourne dans un établissement éloigné de la résidence de sa famille qui vient la voir régulièrement. Les proches sont, dans ce cas, amenés à exposer non seulement des frais de transport, mais aussi des frais de repas - ou même de courts séjours - à l’extérieur de la résidence habituelle de la victime.


Préjudices extrapatrimoniaux

Préjudice d’affection
Il s’agit d’un poste de préjudice qui répare le préjudice d’affection que subissent certains proches à la suite de la survie handicapée de la victime directe. Il s’agit du préjudice moral subi par certains proches à la vue de la douleur de la déchéance et de la souffrance de la victime directe. Il convient d’inclure à ce titre le retentissement pathologique avéré que la perception du handicap de la victime survivante a pu entraîner chez certains proches.

En pratique, il y a lieu d’indemniser quasi-automatiquement le préjudice d’affection des parents les plus proches de la victime directe (père et mère, etc.).

Cependant, il convient également d’indemniser, à ce titre, des personnes dépourvues de lien de parenté avec la victime directe, dès lors qu’elles établissent par tout moyen avoir entretenu un lien affectif réel avec le défunt.
Préjudice extrapatrimoniaux exceptionnels
Il s’agit ici notamment de réparer le préjudice de changement dans les conditions de l’existence, dont sont victimes les proches de la victime directe pendant sa survie handicapée.

Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser les bouleversements que la survie douloureuse de la victime directe entraîne sur le mode de vie de ses proches au quotidien.

Ce préjudice de changement dans les conditions d’existence indemnise les troubles ressentis par un proche de la victime directe, qui partage habituellement une communauté de vie effective avec la personne handicapée à la suite du dommage, que ce soit à domicile ou par de fréquentes visites en milieu hospitalier.

Les proches doivent partager une communauté de vie effective et affective avec la victime directe, laquelle ne doit pas être exclusivement définie par référence au degré de parenté.

L’évaluation de ce poste de préjudice doit être très personnalisée, car il ne s’agit pas ici d’indemniser des personnes ayant une proximité juridique avec la victime directe, mais plutôt celles disposant d’une réelle proximité affective avec celle-ci.

Il convient d’inclure au titre de ce poste de préjudice le retentissement sexuel vécu par le conjoint ou le concubin à la suite du handicap subi par la victime directe pendant la maladie traumatique et après sa consolidation.
En définitive, la nomenclature Dintilhac offre un cadre structuré, le plus exhaustif possible, pour l'évaluation et la réparation des préjudices, assurant ainsi une indemnisation la plus juste et la plus complète des victimes.
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